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Les tomes I et II de la saga, le songe assassiné


 

"Il n'a pas voulu que les gens, qui ont "fait" Chiffalo, sombrent, injustement, à jamais dans l'oubli."

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LA TERRE PATRIE (Source http://www.a-nous-dieu-toccoli.com/publication/2004/biographie/5_terrepatrie.html)
[...] Chiffalo ! Un autre village de pêcheurs, près de Cherchell. Des émigrants siciliens l'avaient baptisé ainsi, en souvenir de Cefalu, à cinquante kilomètres à l'est de Palerme, qu'ils avaient quitté au début du siècle. J'y allai régulièrement pendant l'été. Y vivait tout un ensemble d'oncles et de tantes par alliance, en une sorte de clan, reproduisant d'une certaine façon un mode de vie ancestral. On m'y appréciait car j'aimais aider les hommes pendant la pêche au « lamparo » par les chaudes nuits d'été. Nous partions en mer vers minuit. Je grimpai tout endormi sur une grosse barcasse à la proue de laquelle on avait amarré un puissant projecteur, le lamparo. Je me calfeutrai au plus creux de l'embarcation. Les hommes jetaient les filets, accrochés à un palan, allumaient le lamparo et attendaient que les poissons éblouis se rassemblent au-dessus des filets. À un signal, on refermait les filets en une nasse, et le palan les soulevait, tout en pivotant pour les ramener juste au-dessus du centre du bateau. Et voilà que les filets s'ouvraient au-dessus de ma tête et qu'il me pleuvait dessus tous les poissons du déluge, frétillants à la lumière aveuglante du lamparo parmi les cris joyeux de tous les marins, nus dans la nuit, comme autant de dieux Silène, armés de gourdins pour assommer les plus grosses prises. Je me débattais, étouffé et enseveli sous la tonne vivante, d'où j'émergeais en criant à l'aide, ce qui n'avait d'autre effet que d'augmenter l'hilarité des marins ! Et je voyais tomber du ciel étoilé, Polyphème au gros oeil lunaire, hippocampes, crabes, étoiles de mer, crevettes, poissons chats, coquillages. Je devenais triton, plongé que j'étais jusqu'aux épaules dans cette marée grouillante et scintillante ! Nous nous mettions aussitôt au travail, triant dans de petites caisses plates, qui les gros poissons, qui les moyens, qui les petits. Je m'occupais de tout ce qui n'était pas à proprement parler, poisson. Je prenais dans les mains les formes les plus bizarres, qui remuaient entre mes doigts, et que je conditionnais comme je pouvais dans les cagettes à moi confiées. Quand nous débarquions au petit matin, ma peau collait, sentait déjà, constellée de toutes les écailles de la nuit. Les femmes attendaient, et tandis que les hommes préparaient sur des feux de sarments des petits déjeuners d'Argonautes, faits de demi-crabes énormes, cuits à même la flamme, une femme m'enveloppait d'une vieille serviette, me prenait dans ses bras, tellement j'étais fatigué, me ramenait dans l'une de leurs maisons, m'étrillait plusieurs fois sous la douche, afin de m'arracher, jusqu'au sang, la puanteur de marée dont ma peau était entièrement imprégnée. Elle me versait ensuite sur la tête - et cela dégoulinait partout - une solution étendue d'essence de rose, m'enveloppait cette fois-ci d'un grand drap blanc, de fil dru, m'emmenait à l'étage et m'étendait sur un lit immense, où je sombrais immédiatement dans les abîmes mêlés de la mer et du ciel, avec un soleil torride qui me brûlait la peau...

En 1848, la France décide de créer 42 centres de colonisation dont 12 dans la province Alger. Aux environs de Koléa il y aura deux :Castiglione et Téfeschoun.Il y a une soixantaine de concessions par village distribuée à des Parisiens arrivés par le 4° convoi d'émigrants, qui ont quitté la France en plein marasme. Ces ouvriers parisiens nullement préparés aux travaux des champs. Il y avait parmi eux des horlogers, des ébénistes, des commis de magasins de nouveautés ou de modes. Les colons improvisés ne savaient se servir des instruments aratoires, employaient les semences à contretemps. D'autres difficultés provenaient du travail en commun, qui avait été prôné dans les clubs comme offrant la solution au problème social, mais que devenus colons, les émigrants étaient unamimes à repousser. Les villages de Douaouda, Fouka, Castiglione, Bérard et Téfeschoun font parties de Koléa érigée en commune par décret du 21 novembre 1851. Chiffalo Mais Chiffalo n'était pas pour autant un village à part entière, seulement un hameau dépendant de la commune de Tefeschoun ; Tefeschoun, situé sur la colline, derrière un bois de pins, était essentiellement habité par des viticulteurs d'origine alsacienne. Là se trouvait la mairie. Un autre petit port de pêche, Bou Haroun, complétait cette commune. Des intérêts divergents, des origines différentes firent que Bou Haroun finit par obtenir son indépendance administrative. Chiffalo possédait pourtant son agence postale et son école à deux classes, école qui devint insuffisante quand le nombre des enfants augmenta. On construisit alors une autre école, dite « école des petits » dans un quartier situé derrière la première. A cette époque, on ne s'embarrassait pas de noms, aussi le nouveau quartier fut simplement baptisé « derrière l'école». En 1872, des émigrants siciliens arrivent à Téfeshoun. Ce sont des pêcheurs, qui s'installent au bord de mer et forment le village de Chiffalo, baptisé ainsi en souvenir de Cefalu à 50 kms à l'est de Palerme. Ils construisent un port et une école grâce à des dons de leur communauté et de leurs parents, partis en Californie (à Monterey) pêcher la sardine et le thon. Ils ont abandonné leur village natal :Cefalù, Partinico, Isola DelleFemmine, Capaci, etc..pour s'établir sur une terre inconnue, l'Algérie, encore à l'état sauvage, afin de recommencer une nouvelle vie, dans l'espoir qu'elle serait meilleure poursuitF-J Lucca (site) dans Adieu Chiffalo ! Un courage sans limite et une volonté de vaincre, pour certains, la misère facilitèrent leur audacieux projet. Au début, cette nouvelle vie ne leur apporta que travail rude et abstinence de tous désirs ; mais ils persévérèrent et aboutirent à la valorisation de terres jamais foulées. Puis plus tard, ils entreprirent eux-mêmes la construction de leur maison, en prenant modèle sur l'architecture sicilienne. Ils bâtirent un port pour protéger "leur gagne-pain", les longs lamparos de la mer quand elle aimait à se mettre en colère. Ils surent garder modes et traditions de leur ancienne patrie et surtout conserver une grande solidarité entre eux. Ils furent enfin récompensés car ce nouveau pays leur procura respect et prospérité mais bien souvent, il est vrai au prix de vies humaines. lls ont su, ainsi, mieux que quiconque, mériter leur nouvelle patrie. La pêche Les pêcheurs de Chiffalo...avaient eu pour devanciers des Italiens qui, bien avant 1830, faisaient leur "saison", le long des côtes algériennes, sur des barques à rames et à voiles. Ils apportaient de leur pays du sel (pour la conservation du poisson) des vivres et du vin. Le port de Chiffalo comprenait une vingtaine de lamparos. C'étaient de longues barques d'une dizaine de mètres, de type italien, armées d'équipages de huit à dix hommes. La technique de pêche au poisson bleu avait donné son nom aux bateaux qui la pratiquaient ...La nuit venue, ceux-ci prenaient le large vers le centre de la baie. Lorsqu'ils arrivaient par fonds de 40 à 50 mètres, patrons et marins scrutaient les profondeurs. Quand ils voyaient scintiller des centaines d'éclats lumineux sous l'eau, le patron donnait l'ordre de stopper. Grâce au canot annexe " portelampe" , des milliers de sardines frétillantes étaient remontés dans la poche hissée à bras d'homme.Une cerne réussie pouvait s'élever parfois à plusieurs tonnes (6 à 8 tonnes) de sardines. Durant les mois d'été, les pêcheurs de Chiffalo s'adonnaient à la pêche à l'anchois " à la maille". A ces deux types de pêches classiques venaient s'ajouter des pêches épisodiques d'appoint : la pêche au "bardassoune" et celle au "batti-battue". Conserverie MercurioGrâce a une pêche fructueuse, certains contruisent leur usine de conserves ou de salaisons créant ainsi de nombreux emplois. Ces usines furent nationalement connues comme celle de "Papa Falcone" Ces offres d'emploi attirèrent petit à petit beaucoup d'arabes du sud de l'Algérie et même du Maroc.La communauté arabe comprend une cinquantaine de familles. Elle est installée à 200 m de la dernière habitation qui fait partie des douze maisons de "derrière l'école". Les Chiffalotains formaient une communauté très particulariste. Loin de leur île, ils conservaient cependant jalousement leurs coutumes sur la terre africaine. Source Jean-Marc Lopez site PNHA et suite (Source http://www.geneawiki.com/index.php/Alg%C3%A9rie_-_T%C3%A9feschoun)

 

L'EXIL DES SICILIENS (Le syndrome de Caporetto) (Source http://www.capbrun.com/syndrome_de_caporetto/le_syndrome_de_caporetto.pdf)
La campagne de pêche à laquelle devait participer Francesco était habituelle à cette époque où les Siciliens avaient depuis longtemps coutume d’aller pêcher l’anchois au large des côtes algériennes. Dès les années 1860, après l’unification de l’Italie, le Brigantaggio et la féroce répression menée par l’Italie du Nord poussèrent bien des siciliens à l’exil. Certains émigrèrent vers les Amériques où ils continuèrent à exercer leur métier, d’autres cherchèrent des solutions plus proches. Depuis le XVIIIème siècle, les siciliens allaient pêcher l’anchois sur les côtes algériennes, à bord de barques à rames ou à voile. En 1872, un groupe de pêcheurs siciliens débarqua en Algérie. Ils s'installèrent au bord de mer et créèrent le village de Chiffalo, ainsi nommé en souvenir de leur village d’origine : Cefalù, qu’ils avaient abandonné pour s'établir sur une terre mal connue, l'Algérie, encore à l'état sauvage, afin de commencer une nouvelle vie, dans l'espoir qu'elle serait meilleure. Il n’y avait là que des hommes, les femmes restées au pays ne vinrent que plus tard. Pour que leurs épouses puissent les rejoindre, ils bâtirent d’abord une école, puis, grâce à des dons de leur communauté et de leurs parents, partis aux Amériques pêcher la sardine et le thon, ils construisirent un port pour protéger leur outil de travail, ces lamparos longs de 12 à 15m qui pouvaient embarquer un équipage d’une dizaine de personnes pour une nuit de pêche. Cet ouvrage d’envergure était destiné à protéger leurs navires de la mer dont les colères étaient souvent dévastatrices. Ils gardèrent longtemps les modes et (Commentaire : Mot à mot : le brigandage, mené par les siciliens contre l’administration centrale du royaume d’Italie) les traditions de leur patrie et leurs conditions de vie précaires les amenèrent à conserver une grande solidarité entre eux. Bien entendu, les pêcheurs restés en Sicile continuèrent à venir pêcher dans les mêmes eaux et apportaient régulièrement à leurs compatriotes les vivres et le vin emblématiques de leur pays. Petit à petit, cette communauté gagna en autonomie, ainsi les premiers viticulteurs d’Algérie furent-ils probablement d’anciens pêcheurs siciliens et non les colons français envoyés par Napoléon III. La flottille dont faisait partie le bateau de Francesco devait rejoindre les eaux de Chiffalo pour faire sa « saison ». Ils apportaient du sel pour conserver l’anchois qui serait préparé à terre, dans le village même. A la fin de leur campagne qui durait environ 3 mois, ils chargeaient les barils pleins et, sur la route du retour, les vendaient à Syracuse, Catane, Messine, et Naples. Le port de Chiffalo comptait une vingtaine de lamparos. C'étaient de longues barques armées d'équipages de huit à dix hommes. Dès la nuit tombée, les lamparos prenaient la mer et faisaient route vers le centre de la baie. Lorsqu'ils parvenaient sur des fonds de 40 à 50 mètres, tout le monde scrutait les profondeurs. Bien vite ils voyaient scintiller des reflets lumineux sous l'eau, le patron donnait alors l'ordre de stopper. Grâce aux canots " porte lampe" équipés de projecteurs abatjour à acétylène, des milliers d’anchois frétillants, attirés par la lumière, étaient remontés dans les filets hissés à bras d'homme. Une « senne » réussie pouvait s'élever à plusieurs tonnes de poisson. Lors de la remontée à bras du chalut, tous les hommes étaient du même côté de la fragile embarcation, et, trop fréquemment, une vague traitresse faisait chavirer l’esquif. Malheur, alors, au marin qui n’avait pu s’accrocher à l’épave, car, la nuit aidant, il était quasi impossible de le retrouver, le froid et la fatigue en venaient ainsi rapidement à bout. Au petit matin, lorsque les navires étaient remplis jusqu’au pont du produit de toute une nuit de labeur, ils commençaient à regagner le port, lentement, car la manoeuvrabilité de leurs esquifs était très faible du fait de leur charge extrême. On pouvait alors assister, depuis les plages, au spectacle poignant du retour de ces embarcations de type "pointu" napolitain, remplies à couler bas d’anchois, dont les écailles fraîches émettaient des reflets argentés. On entendait ensuite l’appel de la sirène appelant à l’usine des dizaines de femmes et de jeunes filles, chrétiennes et musulmanes, employées à vider, et étêter ces poissons et à participer au conditionnement de ces marchandises

(Extrait du livre « Bou-Haroun d`autrefois » d`Edgar Scotti ) A cette époque, l'Algérie se trouvait au confluent de plusieurs courants migratoires. -------Dès le 6 juin 1831, Ferrer Jéronomo, originaire de Calpé arrive à Bou Haroun, les hommes viennent seuls, ils s'abritent à côté de leur bateau, dans de pauvres cabanes de roseaux ou de planches ou parfois dans des grottes. La sécurité s'améliorant les femmes ne tardent pas à les rejoindre, contribuant à l'amélioration de leur confort ménager. De nombreuses familles originaires d'Espagne continentale et des îles Baléares, notamment de l'île de Minorque éprouvée par une sévère crise économique, arrivent sur la côte. -------Bien connu des Italiens du royaume des Deux-Siciles, le littoral voit arriver des émigrants originaires de la région de Naples et des îles de Procida et d'Ischia dont l'économie était complètement ruinée par le séisme de 1883. Un membre de la famille Rotolo aurait été le premier à tirer son bateau sur la plage de Bou-Haroun. Il y sera suivi par beaucoup d'autres. -------Installés sommairement dans de petites maisons édifiées sur le domaine maritime, peu mobiles, ayant de nombreux enfants et de vieux parents, ces hommes habitués aux caprices de la Méditerranée, à ses redoutables grains accompagnés de grosses pluies orageuses, résistent aux difficiles conditions de vie et de travail sur leurs palangriers.

L'HISTOIRE DE BOU HAROUN (Source http://www.vitaminedz.com)
La côte algérienne est presque rectiligne, si ce n'est quelques petites criques entourées de falaises abruptes dont le fond est contitué de plages de sable. -------L'anse de Bou-Haroun ne fait pas exception, ouverte vers le nord, le mouillage en eau profonde y étant exclu, sa plage contraint depuis toujours les pêcheurs à "pousser" chaque matin leurs bateaux avant de prendre la mer. Le soir, ils les "tirent" à terre pour les mettre hors d'atteinte des grosses vagues déferlantes. -------Pratiquée depuis l'Antiquité, la pêche du corail, très florissante amenait sur les côtes d'Algérie des pêcheurs siciliens et napolitains. A la fin du siècle dernier, Antoine Pilato était à Bou-Haroun, le dernier à pratiquer la pêche du corail blanc, moins apprécié que le corail rose ou rouge pêché au large de la Calle et de Collo. -------Du temps des Turcs, des pêcheurs espagnols, napolitains et siciliens pratiquaient déjà une pêche au poisson bleu. C'était une pêche saisonnière. Ces communautés étaient alors tolérées, mais non protégées. Arrivant sur la côte en été à bord de tartanes chargées de sel de Trapani pour la conservation du poisson, elles repartaient avant le retour de l'hiver. -------En 1830, il n'y avait sur ce site dénommé " Haouch ez Zaouia" que des palmiers nains et des fourrés de capriers. Les lieux étaient inhabités. Bou-Haroun n'existait pas, la présence de nombreuses koubas maraboutiques dont celle du vénéré "Bon Haroun" située dans un ravin est probablement à l'origine du nom du village. D'abord simple hameau de Tefeschoun, le village est situé entre ce ravin et celui de Sidi Hassine, plus connu sous le nom de "Ravin des voleurs". -------A cette époque, l'Algérie se trouvait au confluent de plusieurs courants migratoires. -------Dès le 6 juin 1831, Ferrer Jéronomo, originaire de Calpé arrive à Bou Haroun, les hommes viennent seuls, ils s'abritent à côté de leur bateau, dans de pauvres cabanes de roseaux ou de planches ou parfois dans des grottes. La sécurité s'améliorant les femmes ne tardent pas à les rejoindre, contribuant à l'amélioration de leur confort ménager. De nombreuses familles originaires d'Espagne continentale et des îles Baléares, notamment de l'île de Minorque éprouvée par une sévère crise économique, arrivent sur la côte. -------Bien connu des Italiens du royaume des Deux-Siciles, le littoral voit arriver des émigrants originaires de la région de Naples et des îles de Procida et d'Ischia dont l'économie était complètement ruinée par le séisme de 1883. Un membre de la famille Rotolo aurait été le premier à tirer son bateau sur la plage de Bou-Haroun. Il y sera suivi par beaucoup d'autres. -------Installés sommairement dans de petites maisons édifiées sur le domaine maritime, peu mobiles, ayant de nombreux enfants et de vieux parents, ces hommes habitués aux caprices de la Méditerranée, à ses redoutables grains accompagnés de grosses pluies orageuses, résistent aux difficiles conditions de vie et de travail sur leurs palangriers. -------En 1903, la pénurie de sardines sur les côtes bretonnes incite les deux frères Thimothée et Jean-Guillaume Ampart à se fixer à Bou-Haroun après avoir apprécié les qualités des marins-pêcheurs d'origine espagnole et italienne. Connaissant bien leur métier de conserveur et maîtrisant parfaitement les techniques de préparation et d'emboîtage, ils ouvrent en 1909 leur première usine. Deux hameaux : un seul coeur -------Les habitations construites au début du XX° siècle sur la falaise et sur la propriété de M. Guillaume Prats sont plus ýconnues sous le nom de village Prats ou de la Fermette, judicieusement qualifiée par M. Maurice Pons de noyau historique de Bou-Haroun. -------Un peu plus bas sur la plage, le hameau maritime abritait des pêcheurs originaires d'Espagne et d'Italie dont la plupart ont opté pour la nationalité française. Leurs enfants font leur service militaire dans la Marine nationale ou dans l'Armée d'Afrique. En 1904, soixante dix-huit familles sont encore indûment installées de façon précaire sur la plage. Beaucoup sont pauvres, mais cette ýpauvreté n'engendre pas la misère. Les hommes travaillent avec acharnement et en dépit de rudes conditions d'existence, "ils tiennent là où d'autres abandonnent". Ils sont alimentés par un puit et par deux sources, dont l'eau est saumâtre dès que les vagues déferlent sur la plage. Le débit de deux sources captées sur la propriété de M. Prats sera dirigé vers le village par une conduite installée sur sa propriété. M. Prats s'engage par écrit à autoriser sans indemnité la pose ainsi que tous les travaux qui seront entrepris utérieurement pour l'entretien de cette conduite. ------Enfin, ils n'ont toujours pas de port et doivent dès trois ou quatre heures du matin pousser leurs palangriers à la mer et le soir les tirer à terre en rentrant dans l'eau glacée jusqu'à la poitrine. Pour le préfetd'Alger, ces hommes sont à l'origine d'une ressource et d'une industrie de conserveurs salaisonniers. C'est donc au plus vite qu'il faut les fixer en leur faisant engager leurs capitaux dans la colonie". ------En conséquence, trente-huit familles de pêcheurs ayant pris la nationalité française sont installées sur douze hectares expropriés sur les bonnes terres agricoles de M. Chabert-Moreau. Des lots à bâtir sont vendus aux pêcheurs, avec étalement du paiement sur dix ans moyennant un intérêt de 5%. Vers 1905 et après plus de trente années d'attente, les pêcheurs Bou-Harounais peuvent enfin acheter un terrain sur la falaise pour y construire leur petite ýmaison. L'ouverture sur les petits métiers de la pêche -------En raison de la précarité du mouillage et en l'absence de port, les pêcheurs de Bou-Haroun, n'utilisent que des embarcations de faible tirant d'eau. Les bateaux boeufs",les "pareilles" à voile qui traînaient le filet sont remplacés par des chalutiers à moteur. -------Enfin, même si depuis 1940, les cabestans sont équipés d'un moteur à explosion, les pêcheurs n'utilisent que de légères embarcations susceptibles d'être hallées le soir sur la plage et poussées le matin à la mer. Alors qu'il n'y avait en 1830, aucun pêcheur algérien sur ce littoral ; en 1900 Echaïb ou Echaïba Mohamed était le premier às'intéresser à cette activité à Bou-Haroun et environs. Il ýsera suivi par beaucoup d'autres patrons pêcheurs, englobés dans ce que l'on appelle toujours "les petits métiers". Kabyles ou Arabes acquièrent palangriers et "lamparos" sur lesquels ils s'empressent de graver au feu, une main aux doigts largement écartés, sans changer le nom du bateau. Bou-Haroun au fil des grands évènements du XXe siècle -------A partir du moment où le village se construit, ses habitants confrontés à tous les grands événements, acquièrent une identité et s'enracinent dans une entité humaine groupant Tefeschoun, Chiffalo, autour d'un cimetière commun. -------Les Bou-Harounais participent à la première guerre mondiale et s'enfoncent dans la crise économique qui suivit. Ils se souviennent du premier tremblement de ýterre d'Orléansville de 1954 et de ýl'arrivée ýdes réfugiés venus d'Espagne après la sanglante guerre civile. Lorsque survint le ýsecond conflit mondial, ils y participent dans l'Armée d'Afrique et dans la Marine nationale à Mers-el-Kebir, un peu plus tard à Toulon, en Tunisie, Italie, durant les campagnes de France et d'Allemagne. Certains y laisseront leur vie. Ceux qui reviennent de ces meurtrières batailles de 1914-18 et 1939-45, en ramènent des blessures et parfois aussi d'utiles notions de mécanique ou de soins aux malades qu'ils mettent au service de certains de leurs camarades qui ne savent ni lire ni écrire. -------Pour ces laboureurs de la mer et de La terre, la solidarité n'est pas un vain mot. En effet, nombreux sont ces anciens émigrants qui sont partis de leur village pour laisser une place sur la petite propriété ou sur le "lamparo" paternel à un frère plus fragile. Arrivés en Algérie et à Bou-Hroun, il leur reste tout à apprendre. Ce qui ne les empêche nullement d'initier leurs voisins Kabyles et Arabes aux techniques de la culture des primeurs et de la pêche en mer. En leur confiant des postes de travail, ils forment d'excellents patrons pêcheurs qui utilisent toujours les mêmes techniques et les mêmes filets que les lointains descendants des immigrés espagnols et italiens repliés depuis 1962 sur l'autre rive de la Méditerranée. Ouverture et solidarité aux multiples facettes-------Cette solidarité et cette ouverture aux autres ont de multiples aspects. C'est le jeune Willy Debras qui, un jeudi plonge pour éviter à un jeune musulman de périr noyé. Ce sont aussi les très nombreux algérois venus arpenter les blocs de la petite jetée en attendant l'arrivée des chalutiers ou celle des palangriers. -------Ce village, où à toutes les heures du jour ou de la nuit des hommes et des femmes vont à leur travail ou en reviennent, respecte aussi le repos et les activités artistiques de ses hôtes. Peintres, poètes ou techniciens du pétrole apprécient le calme de Bou-Haroun. A partir de l'ébauche de jetée, ils mouillent leur ligne ou plantent leur chevalet afin de fixer sur une toile la majestueuse beauté du Chenoua ou le bleu du ciel ou de la mer. Enfin, les habitants des villages de l'intérieur fuyant la torpeur des étouffantes journées d'été d'Ouedel-Alleug, El Affroun, ou Téniet-el-Haad, trouvaient à Bou-Haroun un peu de fraîcheur, un air propice à la santé de leurs enfants et l'accueil sympathique de sa population. -------Cependant à partir du lundi de Pâques 1962, la belle entente régnant au village se déchire, avec une grenade lancée dans le café Piris. Le 19 mai Raphaël de Crescenzo est enlevé. Le 6 juin c'est Emile Ampart. Comme tous les nombreux disparus de cette fin de la guerre d'Algérie, leur enlèvement laisse une plaie toujours béante au sein de leurs familles. -------En juin 1962, afin de ne pas devenir étrangers dans le pays où ils sont nés, les pêcheurs de Bou-Haroun, après une périlleuse traversée de la Méditerranée se retrouvèrent dans les ports du Roussillon, du Languedoc et de la Provence. -------Ce village reste le symbole de la rencontre et de la coéxistence paisible de plusieurs communautés dont les diverses origines et activités agricoles, maritimes ou industrielles n'ont jamais fait obstacle à leur fusion la plus totale dans l'entité métropolitaine. -------La preuve la plus tangible de cette entente qui régnait à BouHaroun entre les différentes familles issues de l'immigration espagnole, italienne ou bretonne est celle qui les unissait aux autochtones Kabyles ou Arabes autour de l'abri précaire de leur petit port. Autrefois ouverte à tous les vents, l'anse de Bou-Haroun est aujourd'hui dotée d'un port en eau profonde bien abrité. -------De solides jetées ont été construites selon des plans longuement et ýopiniâtrement élaborés par les ýreprésentants des pêcheurs de BouHaroun et notamment en mai 1954 sous l'impulsion de M. Louis Amat, délégué de la circonscription à l'Assemblée Algérienne et maire d'Oued-el-Alleug. -------Après l'exode de 1962 et devant la nécessité d'encourager la pêche toujours pratiquée selon les méthodes des anciens ýimmigrés d'Espagne et d'Italie, le nouveau gouvernement algérien s'est empressé d'utiliser les plans qui existaient depuis longtemps mais ne sortaient jamais des cartons. C'est ainsi qu'avec l'aide des crédits du plan de Constantine, un vaste port bien abrité a été très rapidement construit à Bou-Haroun. -------Les descendants des agriculteurs, des pêcheurs et des industriels salaisonniers peuvent être fiers de leurs lointains ancêtres qui leur ont transmis leur esprit de famille, leur courage au travail et leur fidélité au souvenir de ce paisible village. extrait de l`excellent livre « Bou-Haroun d`autrefois » de Monsieur Edgar Scotti (Hacine)

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